Dans ce monde chamboulé que nous traversons toutes et tous, qui d'entre nous, qui d'entre vous n'a pas rêvé d'une cabane perdue et isolée au fond d'un bois ?
Moi, c'est certain, dans la vie de tous les jours, j'en rêve souvent de cette cabane. Pourquoi j'en rêve ? Je pense que c'est la volonté d'être "en dehors", d'être entourée de silence et peut-être une manière de fuir les obligations du quotidien. Imaginer cette vie de cabane, c'est me détacher de toutes ces formalités administratives qui font notre quotidien, c'est imaginer être à côté du système et trouver une forme de liberté.
Ce que j'aime avec les cabanes, c'est qu'elles se fondent dans leur habitat : la forêt. Ah oui... C'est vrai. J'imagine une cabane dans une forêt. Bien qu'une cabane puisse se trouver en montagne, près de l'eau ou dans bien d'autres endroits. Mais ma cabane se situe plutôt en forêt (ceci dit, rien ne m'empêche de l'imaginer dans une forêt sur une montagne !) La cabane dans la forêt, c'est pour moi l'idée que cet habitat ne nuit pas à la nature qui l'environne. C'est la volonté d'une simplicité volontaire où ce qui importe est la nature. Quand je nous invente une vie dans une cabane, je perçois le silence et le calme qui nous entoure. La possibilité de lire, dessiner et écrire. De se blottir au coin du feu. Et... et bien c'est tout - hormis, je l'avoue, la présence de pâtisseries faites maison.
Mais finalement, tout cela (lire, dessiner, regarder les flammes qui crépitent), je le fais ici, dans notre foyer. Je rêve de cabanes mais j'adore ma vie, mon foyer, et l'accessibilité urbaine qui y est présente. J'ai en moi cette mouvance, des versants différents qui appellent la nature et qui appellent la frénésie lumineuse de la ville. L'important pour moi est la possibilité de ces deux tendances et la manière dont elles m'harmonisent. J'aime la nature. Elle m'est vitale. Je crois en la force de la nature et je veux me dévouer à la protection de la nature. Et j'aime aussi la vie présente dans une ville, ses théâtres, cinémas, bar à cacao et ses librairies. Je vis donc avec ce dialogue intérieur et perpétuel d'un confort de vie et d'un rêve de cabane. Comme le dit Bachelard dans La Poétique de l'espace, "Nous avons chacun nos heures de chaumière et nos heures de palais". Que ce soit l'un ou l'autre, c'est un espace qui nous accueille, ou que nous accueillons, et dans lequel nous nous sentons en sécurité. C'est notre foyer. Celui qui nous réconforte.
Le foyer, un lieu de repli frileux où l'on s'avachit devant la télévision en pyjama informe ? Sans doute. Mais aussi, dans une époque dure et désorientée, une base arrière où l'on peut se protéger, refaire ses forces, se souvenir de ses désirs. Dans l'ardeur que l'on met à se blottir chez soi ou à rêver de l'habitation idéale s'exprime ce qu'il nous reste de vitalité, de foi en l'avenir.
Mona Chollet "Chez soi"
En réalité, peu importe la cabane ou le palais dans lequel nous vivons, ce qui compte c'est la construction de notre foyer. Et puis, "même dans l'habitation la plus parfaite, la plus conforme à nos désirs, nous [continuerons] à rêver de maisons."* Et dans ces rêves se trouvent des petites maisons au bord de l'océan à Santa Monica, des chalets au Tyrol, des palais vénitien et des cabanes. On peut rêver. Et dans une perspective réelle, concrète, là, ici et maintenant... je vis en ville**. Néanmoins, et dans cette réalité, j'ai envie d'imaginer la possibilité d'une réintroduction de la nature dans l'urbain. Améliorer nos vie en défendant l'idée d'un réensauvagement. Donner une plus forte présence de la nature dans la cité. Et imaginer, comme le dit l'architecte belge Gilles Debrun, une ville qui deviendrait une réserve semi-naturelle habitée.
Alors, peut-être n'ai-je besoin que d'une idée et que celle-ci me suffit d'y rêver : "Tant qu'il y aura des cabanes au fond des bois, rien ne sera tout à fait perdu." Et puis, ce qui me porte, c'est la construction et le maintien de mon foyer. Ce foyer tendre, chaleureux, entouré d'arbres, de fleurs, de verdure, d'oiseaux. Un foyer qui se construit en harmonie avec la nature que nous voulons réintroduire dans ce monde urbain.
Et vous, vous rêvez de cabanes ?
* Chez soi, p.301
** Je tiens tout de même à préciser que dans une autre vie, j'ai vécu dans une cabane, en forêt, avec un confort minimum. Du coup, la forêt et la vie en cabane, je connais.
Juste comme ça, en lien avec les cabanes, un roman qui m'a touchée, émue et bouleversée : Le mur invisible de Marlen Haushofer (1968) qui raconte l'histoire d'une femme survivant en pleine forêt autrichienne, isolée du reste du monde par un mur invisible. Extrait...
" Je crois que le temps est immobile et que je me meus en lui parfois lentement parfois à une vitesse foudroyante."
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