En arrivant sur la page d'accueil de ce blog, une tonalité de rose s'impose. Le rose. Certaines études sur le genre portent le titre de "Entre le rose et le bleu"*. Entendant par là que le rose se lie au féminin et le bleu au masculin. Culturellement, l'application d'une couleur à quelque chose, son lien, est intéressant mais peut aussi être dévalorisant. Alors, le rose, pour une femme, est-ce dévalorisant ?
Partons de l'idée "simple" que dans la littérature scientifique, et historiquement, ce qui est lié aux femmes est dévalorisant. Les activités dites féminines sont dévalorisées. Je pense notamment à la broderie, activité "typiquement" féminine qui n'a pas toujours eu ses lettres de noblesse (les a-t-elle ?). Bien évidemment, nous sommes dans une société qui change, qui évolue, et fort heureusement, tous ces mouvements et mobilisations féministes tendent à remettre de l'ordre dans cette inégalité de genres qui ne cessent de se manifester.
Bon, je me perds un peu. Et je m'octroie cette possibilité, car c'est mon premier post, ma première publication et je me rends compte que mon esprit et mes pensées vont dans mille sens opposés ou liés. J'aimerais parler de la question de la binarité, de mon identité de femme, de mon orientation sexuelle, m'étendre sur Judith Butler**, l'effet que sa lecture m'a faite en dernière année de master en Arts du Spectacle, parler de Judy Chicago et de ses expositions d'art féministe, ...
Enfin, bref, revenons-en aux couleurs puisque c'était là le sujet initial de cette publication. Le rose donc. J'adore le rose. J'ai toujours adoré le rose. Je l'ai adoré, et même en cachette, quand je ne voulais pas que cette couleur "douce, féminine" donne une image trop lissée de ma personne. Aujourd'hui, j'adore toujours le rose. En secondaire, au cours d'Esthétique et Histoire de l'Art, nous avions dû faire une création en prenant un mot, une lettre, une couleur qui nous représentait. J'avais choisi le rose. Rose parce que je considérais que c'était une couleur douce mais forte et puissante à la fois. Puissante... Comme je me représente les femmes aujourd'hui... Mais là encore, c'est un autre sujet.
J'ai un petit livre sur les couleurs (d'ailleurs qui s'intitule "Le petit livre des couleurs", 2005) de Michel Pastoureau que ma Véro m'a offert. Ce qu'il dit sur le rose :
" [Le rose] n'a pas eu d'existence bien définie pendant longtemps. On disait autrefois "incarnat", c'est-à-dire couleur de chair, de carnation. Porté par le romantisme, le rose a acquis sa symbolique au XVIIIe siècle : celle de la tendresse, de la féminité (c'est un rouge atténué, dépouillé de son caractère guerrier), de la douceur (on dit encore "voir la vie en rose"). Avec son versant négatif : la mièvrerie (l'expression "à l'eau de rose" date du XIXe siècle). Un moment, on l'a plaqué sur l'homosexualité avec une intention péjorative. Les homosexuels ont maintenant choisi le drapeau arc-en-ciel, qui symbolise la diversité, celle des couleurs et celle des êtres, et la tolérance." pp.114-115
C'est un tout petit extrait sur lequel je pourrais longuement m'étendre. Mais soyons brève... Cette couleur a été plaquée à l'homosexualité, mais ne s'agissait-il pas surtout de l'homosexualité masculine ? Je ne me suis pas assez informée sur le sujet, mais les triangles de couleur roses imposés dans les camps durant la Seconde Guerre Mondiale sont intéressants à analyser. Les triangles roses étaient destinés à l'identification des homosexuels masculins. Quid des femmes ? Englobées dans les triangles noirs, les "socialement inadapté‧es" dont faisaient partie les lesbiennes***. Pas de rose pour les femmes alors. Enfin, je ne veux pas m'embrouiller, ni vous embrouiller, le rose pour les homosexuels exprime leur "déviance féminine"... Aujourd'hui en effet, le drapeau des fiertés LGBTQI+ est arc en ciel. Mais chaque communauté revendique aussi son ou ses propres drapeaux. Les drapeaux lesbiens sont multiples avec quelquefois une teinte de rose. Mais apparaît aussi un drapeau mauve avec un triangle noir au centre et un labrys. Drapeau fort de sens qui représente les lesbiennes féministes, rappelant le symbole du triangle lié au nazisme, et le labrys comme un symbole du pouvoir matriarcal et féminin.
Le rose donc pour ce blog. Est-ce dévalorisant ? Est-ce qu'une couleur peut avoir une mauvaise image ? C'est intéressant d'ailleurs cette question et toute la symbolique liée aux couleurs. Mais ici donc, du rose. Ce blog va notamment traiter de questions de genre, de thématiques liées aux femmes, et je revendique la présence du rose dans tout ce côté paisible et doux que ça peut apporter, mais également dans sa teinte militante et revendicatrice. Oui, je suis féministe.
Quant à moi, je suis une femme, lesbienne, amoureuse, intellectuelle (et artiste à ma façon), et le rose dans sa tendresse, sa féminité, sa douceur,... et bien j'aime cela !
*"Entre le rose et le bleu : stéréotypes sexuels et construction sociale du féminin et du masculin", une étude de 2010 à retrouver ici.
** J'avais lu "Gender Trouble", 1990, en anglais... Et "Défaire le genre", 2004. Quel dommage que ces ouvrages aient été empruntés à la bibliothèque car j'avais surligné une telle quantité de passages.
*** Concernant les lesbiennes durant la Seconde Guerre Mondiale, je renvoie à cette superbe initiative : dont je n'ai pas encore exploré toutes les arborescences : Queer code.
Le rose le rose le rose.