J’ai pris connaissance de l’endométriose, il y a cinq ou six ans, en lisant un article sur un site féministe qui mettait en avant, ou du moins c’est ce que j’en ai retenu, l’errance médicale (d’au moins sept ans) dont étaient victimes ses malades.
Ça m’avait tourmenté tout un temps.
Et voilà, moi aussi j’ai une endométriose.
L’endométriose met en avant cette réalité : chaque corps et chaque femme est différente. Je n’ai jamais souffert de mes règles au point de devoir m’absenter des cours ou du travail. Mais oui, j’ai mal. Néanmoins, avoir mal quand on a ses règles, il paraît que c’est normal. Alors, quelle est la limite de la douleur ?
J’ai eu de la chance. Cette errance médicale, je ne l’ai pas connue (merci Docteur F. !)... Et ce fut un peu le fruit du hasard de découvrir que j’avais cette maladie. Je vous fais un bref historique de ma rencontre avec l’endométriose :
Rendez-vous gynécologique où un kyste ovarien est découvert.
Prise de pilule de trois (ou quatre je ne sais plus) mois pour voir si ce kyste part.
Le kyste ne part pas.
Prise de rendez-vous vous chez une spécialiste de l’endométriose trois mois plus tard.
Ces trois mois deviennent six car confinement, etc.
Rendez-vous chez cette spécialiste de l’endométriose : proposition d’enlever le kyste et découverte de légères lésions d’endométriose, mais « c’est parce que je suis une experte que je les vois car elles sont minimes - clin d’œil ».
Trois semaines plus tard, fin juillet, je suis en hôpital de jour pour enlever le kyste.
Cette protubérance près de mon ovaire, je n’en voulais pas. Je ne voulais pas risquer de me retrouver aux urgences parce qu’il s’était tordu (en même temps, iels nous font flipper les médecins avec les risques qu’on encoure...). L’opération fut donc rapidement prévue et devait être « simple ». Même si pour moi, ce ne l’était pas. Il s’agissait de ma première opération (hormis les amygdales dont je ne me rappelle même pas) et j’étais terrorisée... Je vous passe les détails de la froideur des pièces dans lesquelles je suis passée lorsque j’étais allongée dans ce lit d’hôpital, de la vulnérabilité dans laquelle je me suis sentie et cette peur... « surtout ne pas trop réfléchir, et laisser ces professionnel.les faire leur travail » fut mon garde-fou.
Les petites lésions d’endométriose vues à l’échographie étaient en réalité multiples et bien plus importantes que prévues. J’étais cataloguée « stade 4 » (sur les 5 stades utilisés dans le jargon médical pour quantifier la gravité de l’endométriose*). « On a donc dû beaucoup gratter » est cette phrase qui m’est restée avec tout l’imaginaire qu’elle génère...
Parmi toutes les incohérences face auxquelles je me suis retrouvée dans ce magma de la maladie, il y eu celle-ci : pourquoi la gynécologue n’a-t-elle pas vu toutes ces lésions avant l’opération ? J’apprends alors (non pas par la gynécologue) que l’endométriose est sournoise… et qu’on ne peut être réellement sûr.e de sa présence, et de son étendue, uniquement lors d’une immersion dans le corps.
Et donc voilà, l’endométriose fait maintenant partie de ma vie... et, me dit la gynécologue, « il faudra certainement devoir prendre la pilule ». Cette phrase, me génère du stress car je sais les effets que la prise d’hormones provoque chez moi. Mais, un peu déroutée par ce qui m’arrive, au rendez-vous suivant, j’accepte (ou plutôt je ne me prononce pas, je n’ai pas encore cette lucidité de patiente éclairée) la prescription de la pilule contraceptive, qui est faite sans vraiment d’explication : c’est la procédure. Et puis, on voit le résultat dans trois mois.
J’ai redécouvert l’état dépressif, la perte de libido, et la colère et la tristesse liée à l’incompréhension de cette prescription. Je devais prendre quelque chose sans comprendre l’impact positif que cela pourra avoir, alors que je ne me sentais pas malade et que je ne m’étais pas plainte de mes douleurs. Et, plus je me renseignais, plus je voyais s’alourdir le poids des répercutions négatives des hormones. C’est la dépression qui me décida à arrêter et reprendre le cours « normal » des choses.
Entre cette décision et ma consultation suivante, je me suis beaucoup documentée. Je voulais devenir une patiente éclairée. J’ai commandé et lu des ouvrages sur l’endométriose, dont l’excellent de Marie-Rose Galès « Endométriose : Ce que les autres pays ont à nous apprendre ». C’est d’ailleurs devenu mon livre de chevet de l’endométriose. Quand je doute, quand je me demande si je je ne fais pas fausse route pour vivre avec cette maladie, ce livre me rassure, me réconforte et me rappelle que oui, cette maladie existe mais que nous n’en mourons pas, nous apprenons à vivre avec. Je suis alors arrivée chez la gynécologue avec ma liste de questions, bien décidée à discuter pilule avec elle, ayant compris que ce n’était pas forcément le remède miracle. Elle s’est montrée compréhensive, mais (bien sûr qu’il y a un mais) j’ai tout de même dû longuement lui expliquer mon point de vue.
La consultation suivante, je trouve une nouvelle gynécologue (qui remplace temporairement la mienne). Joie des quelques questions déplacées sur mon orientation sexuelle… Mais apparemment rien n’apparaît à l’échographie (mais ce n’est pas elle la spécialiste me dit-elle). La consultation se termine par mon envie de partager sur la maladie et de lui dire quelles étaient les douleurs que je ressentais pendant mes règles, comment je me sentais en général et fière - oui quand même - d’annoncer que j’allais tous les mois chez l’ostéopathe. Sa réponse m’atterre... « de toute façon, nous on ne peut rien faire, vous avez décidé de ne pas prendre la pilule ».
Là, ce qui me désole, et continuera de me désoler lors de mes prochaines consultations, c’est cette imperméabilité entre les différentes facettes du corps et la condescendance face à d’autres pratiques que la médecine conventionnelle. Je n’ai pas le sentiment d’une pensée holistique et cela me paraît complètement absurde.
De retour à l’hôpital, un an et demi après mon opération, je retrouve la gynécologue qui m’a opérée.
« - Vous ne prenez pas la pilule ?
- Non.
- Et vous ne voulez pas d'enfants ?
- Non.
- ... Il faudra revenir plus souvent me voir, un an c'est trop long, il faut revenir tous les six mois, au moins pendant deux ou trois ans pour être sûres que la situation se stabilise.
- Mais c'est vous qui m'avez dit de revenir tous les ans... Si vous voulez tous les six mois, c'est pareil pour moi.
- Et donc vous ne voulez pas de traitement ?
- Euuh... Non. Je gère très bien la douleur.
- Vous vivez dangereusement !
- Mais nous en avions discuté ensemble, et vous étiez d'accord pour qu'on avance comme cela.
- Oui certainement, mais si des lésions touchent les organes vitaux, ça ne vaut pas la peine de prendre le risque de ne rien prendre justement. Alors, vous faites comme vous le voulez : tisanes, yoga... (sur un ton un peu méprisant tout de même) mais si ça touche à des organes, il faudra vraiment envisager un traitement. »
Échange très jovial avec la médecin qui me laisse un peu pantoise. L’examen se passe et il se trouve que cette échographie donne un résultat plutôt positif : après un an et demi, aucune lésion n'est réapparue... Il en existe une minime sur l'utérus mais qui ne devrait avoir aucun impact négatif.
« - Pas de réprimande cette fois-ci ! ;-) » euuuh, non pas clin d’œil. Je n’ai pas envie de m’étaler sur cet échange mais je ne me suis pas du tout sentie dans une consultation bienveillante. Et ça, c’est vraiment dommage.
Mais, alors, donc, ... qu’ai-je fait ? Qu’ai-je changé ? Comment se fait-il que tout va bien (oui, on se pose la question tout de même...) ?
... Des tisanes ? C'est sûr.
... Du yoga ? Oui plus ou moins... quand j'y pense. Je fais quelques poses qui sont surtout inspirées des mouvements d’étirement appris durant toutes ces années de danse classique.
... J’ai commencé à prendre du cbd aussi, qui, en plus d’apaiser mes anxiétés, me libère de certains maux physiques. ... Surtout, je suis assidue pour mes séances d'ostéopathie : tous les mois - avec une ostéopathe magique.
... Mais alors, je pense, le plus important : j'ai accepté ce qui se passait dans mon corps. En sortant du dernier rendez-vous gynécologique, j'ai remercié ce corps, ces organes, cette énergie vitale, ce « moi », qui s'est défendu contre une invasion corporelle lors de la chirurgie, qui s'est battu, qui vit et entretient son immunité.
Ceci n’est évidemment pas la solution miracle, et peut-être que les lésions vont réapparaître. Mais je me félicite tout de même de ce que j’ai mis en place et je félicite mon corps de si bien s’en sortir.
L’endométriose, cette maladie que j’ai découverte, m’a fait peur. Puis j’ai appris... surtout que c’est une maladie dont on ne meurt pas, mais dont on ne se débarrasse jamais vraiment. En tout cas, on n’en sait trop rien... J’ai appris aussi et surtout l’importance d’être une patiente éclairée. J’ai également appris que des proches avaient (eu) la maladie, et je suis même persuadée que plusieurs femmes autour de moi en sont atteintes mais ne sont pas diagnostiquées.
Et toi... l’endométriose, tu vis (comment) avec ?
Au fait, l’endométriose, c’est quoi ?
Alors, l’endométriose n’est pas... je ne vais pas faire la liste. Plus simplement, l’endométriose, c’est une sorte de tumeur bénigne, de cellules ressemblant à de l’endometre, c’est à dire la muqueuse tapissant l’intérieur de l’uterus ; ça ressemble a l’endomètre mais c’est différent, c’est une sorte d’endomètres mutant.
* le stade 4, selon le Dr Redwine cité dans l’ouvrage de Marie-Rose Galès, ne voudrait en fait rien dire. Pour lui, ce système de classement n’est pas pertinent car il n’a pas de corrélation spécifique avec les symptômes. D’où cette découverte hasardeuse de l’étendue de l’endométriose dans mon corps.
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